J’ai un CAP de boucher. En 1984, ils ne cherchaient pas de boucher. Les jeunes, il fallait qu’on travaille, il ne fallait pas qu’on reste à la maison à ne rien faire. Nos parents n’auraient pas toléré ça.
Je suis rentré chez Boussac. Chez Boussac, c’était 2 mois d’essai comme monteur de chaîne. Je suis resté 4 ans chez Boussac et l’entreprise a fermé en avril 1987.
Il faut être patient pour être rattacheur. Si vous n’êtes pas patient pour attacher, vous laissez tomber. J’ai deux couches, j’ai la nappe qui est en bas, la chaîne qui va arriver et les restes d’en haut, la fin de chaîne que je vais rattacher. Je pince la nappe du dessous donc le rouleau du dessous. Un fil en bas, un fil en haut.
Il faut bien brosser et avoir l'œil pour qu'il n'y ait pas un fil double ou quoi que ce soit. Parce que si j’arrive en fin de chaîne et qu’il me manque des fils, la rattache est foutue. Tout est dans le brossage et le coup de peigne après. Mais il faut être fin, c’est toujours du boulot fin.
C’est des brosses en racine que les femmes avaient dans le temps pour laver le linge. Ça fait 23 ans que je brosse avec. Ah oui, c'est la mienne celle là, je la range dans mon armoire. C’est ma brosse à moi. Si c’est de l’écru ça va tout seul mais si c’est une couleur, il faut faire le tri et il faut faire plein de modifications.
Il faut bien respecter les couleurs pour que dans les torchons, chaque bande soit bien placée. Je n’ai pas le droit à l'erreur ou décaler 3-4 fils parce que le dessin va être décalé. C’est pas beau.
Il faut qu’on respecte le travail des stylistes sinon c’est pas la peine, sinon on rattache ça à la bonne franquette et puis c’est “ball trap”. Si vous y allez à l'esbroufe ou avec des gros sabots c’est la casse.
C’est un travail qui demande de la patience, il ne faut pas s'énerver.
Il suffit que je sois un peu maladroit avec la noueuse et le nœud ne se fera pas. Si je ne m’en rends pas compte tout de suite, l’erreur se répercute sur cent fils. Faut toujours avoir l'œil dessus, tout le temps, tout le temps, tout le temps.
Dans les années 50, tout se faisait à la main. Après guerre il y a des femmes qui ne faisaient que ça. C’était des sacrées femmes qui devaient faire ça aussi.
Je démonte mon chariot et je passe les nœuds. Soit en roulant si le fil est trop fragile. J’y vais sans faire tourner le métier à tisser c'est-à-dire je fais avancer devant et derrière. Si le fil est trop cassant je ne prends pas le risque de tout casser, j’y vais tout doucement. Ça passe les lamelles, ça passe les lices et ça repasse le peigne. C’est pour ça qu'on fait des tous petits nœuds de cochon.
Avec les stylistes, ça change tout le temps : on ne s’ennuie pas.